Pourquoi la Prévoyance ?
Texte de Virginie Meyrier, Avocat au Barreau de Paris
« Le meilleur de la vie se passe à dire « Il est trop tôt », puis, « Il est trop tard » ». Flaubert
Prévoyance, nom féminin singulier : qualité d’une personne qui se prépare à l’avenir..
Personne qui se prépare à l’avenir ? Qui le conçoit donc, l’imagine, l’entrevoit, qui est apte à y croire, à le souhaiter, suffisamment en tout cas pour l’anticiper, pour soi peut-être, pour les autres aussi, histoire d’être un peu maître de son destin ou tout au moins de prétendre l’être, et imaginer le demeurer.
Et puis le dictionnaire l’érige en qualité, elle vaut donc bien que l’on s’y penche un instant, d’autant qu’au-delà de ce que nous en dit le Littré, cette « qualité » recèle probablement bien d’autres implications qu’une simple sagesse du quotidien.
S’intéresser à la prévoyance, c’est, pour les sociologues, les économistes, les politiques, les savants de tout poil… anticiper la façon dont notre société doit gérer le vieillissement de sa population.
Devoir, oui, car les temps ne sont plus à interpeler cette « qualité » aux termes d’un vaillant slogan de campagne que l’on brandit au moment opportun, c’est nécessairement devenu un devoir, par la force des démographies, de leur économie, de l’évolution de nos sociétés que l’on qualifie de « développées » :
Les savants ci-dessus nous disent ainsi qu’à raison de l’allongement de l’espérance de vie, nombre de Français connaîtront une situation de dépendance physique ou mentale, et ce malgré une prévisible amélioration de la santé.
Les chiffres impressionnent suffisamment pour qu’on s’y arrête et que l’on commence à y regarder de plus près… que l’on soit savant ou pas…
Mais la prévoyance ce n’est pas qu’un problème comptable. C’est aussi et surtout un problème psychologique : comprendre comment les hommes parviennent ou non à se représenter les conséquences de leur propre vieillissement, comment ils peuvent, encore vaillants, imaginer un jour que leur corps se dégradera nécessairement, suffisamment en tout cas pour affronter la seule certitude humaine qui soit…
Le fait qu’ils acceptent d’y songer, ou plus exactement reconnaissent qu’ils y songent souvent, même si la pensée effraie et qu’il est parfois plus aisé de la remettre à demain… cette désagréable pensée…
Enfin, la prévoyance c’est nécessairement de l’émotionnel, intrinsèquement connectée au lien qui se tisse ou disparait entre des générations qui se succèdent, comment ces générations parviennent à s’entendre et comment les rôles peuvent finir par étrangement s’inverser, comment l’on peut être père de son père, comment la chose peut ne pas être inacceptable et impossible, comment elle est au fond si naturelle.
Théologienne et passionnée par les questions d’éthique, je visite aussi régulièrement les plus âgés en maisons de retraite.
Je n’envisage pas la vie comme une discontinuité qui consisterait à l’accepter comme ayant seulement un commencement, un milieu et une fin, mais comme une continuité de la personne qui évolue par épisodes nombreux et étapes successives où se mêlent épreuves et joies, où se cherchent et se révèlent des itinéraires différents marqués par une époque, un milieu et une culture.
Chacun d’entre nous vit une histoire où la place du corps et celle des émotions se bousculent au fur et à mesure que cette histoire se déroule.
En vieillissant, l’avoir, le pouvoir et le prestige ne constituent plus des idoles, alors que le besoin d’autonomie et celui d’être valorisé aux yeux de ceux qui nous entourent, demeurent essentiels.
Comment relever ces défis et permettre à chacun des ajustements difficiles ou délicats dans son rapport au temps pour profiter jusqu’au bout des fruits de la maturité ?
Comment articuler ce très beau texte de Virginie, notre capacité d’imaginer notre vieillesse, avec le coté professionnel de la Prévoyance. Comment réussir que notre avenir ne devienne pas anxiogène ?
Il vous revient à vous, « Observatoire de la Prévoyance » de prendre le relais de ce qui « nous dépasse. »
Si l’on en croit les médias, la tendance politique, sociale, économique, écologique, est au rassemblement et à la recherche d’une action globale.
Comment arriver à composer, à organiser, à ordonner des propositions où le singulier de chaque homme, son étape dans la vie, son expérience et son rapport au temps rejoindraient le particulier de chaque situation concrète et l’universel qui est du domaine de la dignité attendue et souhaitée par chacun d’entre nous, quels que soient notre âge, notre milieu ou notre culture ?
Nous avons besoin de vous pour baliser notre chemin, là où l’imprévisible, l’inédit et l’inconnu nous entourent de bien des risques.
Nous avons besoin de vous pour que la maison de retraite ne soit pas l’unique solution et que chaque homme vive sans démission la dernière étape d’une vie qui, comme une eau, coule sur des hommes qui passent.